“Amor l’arbitre”… Quand le sifflet fait le show

La profession est de plus en plus critiquée. Les hommes en noir, de moins en moins appréciés. Mais a contrario, certains arbitres ont fait exception à la règle et suscité l’affection (ou la crainte, c’est selon) des observateurs et des joueurs. Portrait de deux sifflets mythiques.



Avec Wurtz et Collina, les arbitres étaient respectés


Robert Wurtz officiait à l’époque où la télévision et ses multiples caméras n’avaient pas fait de l’arbitre l’ennemi public numéro un. « Nous avions plus le bénéfice du doute, grâce au manque d’images. Il n’y avait ni ralenti ni Internet. Et je sais bien qu’aujourd’hui, il y a un milliard en jeu à chaque but. Mais il ne faut pas exagérer non plus. Sur une saison, il y a 38 matchs, les erreurs finissent par s’équilibrer. » Quand l’arbitrage n’était pas encore un sujet de débat télévisuel, l’Alsacien, lui, faisait le show. C’est d’ailleurs la principale raison pour laquelle il est le plus célèbre de l’histoire du sifflet français.

Toute cette excentricité pour compenser, peut-être, d’éventuels mauvais jugements ? Il en a fait, certes, jusqu’à être traité de « Ray Charles » par Didier Couécou après une rencontre où deux buts avaient été inscrits de la main. Wurtz reconnaît même qu’il priait pour qu’une situation problématique ne vienne pas lui « gâcher [son] match ». Mais c’est surtout car il avait « une sainte horreur de la violence » qu’il cherchait à désamorcer toutes les situations tendues par « un petit grain de fantaisie, un geste, une explication ». Comme lors d’un PSG-Auxerre « animé » où, pour ne pas expulser un Guy Roux très énervé sur le banc, il sprinte et glisse sur les genoux jusque devant l’entraîneur, les mains jointes, le suppliant d’arrêter. Le coach bourguignon applaudit le geste et redevient serein.

Son surnom de « Nijinski du sifflet », Robert Wurtz l’obtient lors d’une tournée de matchs amicaux au Brésil. Au cours d’une rencontre de la Seleçao, contre la Roumanie, il fait le spectacle pour divertir un public qui s’ennuie ferme dès lors que les Sud-Américains mènent 2-0. Il multiplie les sprints de 80 mètres sans raison et assure le spectacle, tel un danseur, d’où cette référence au chorégraphe russe inventée par le journal O Globo.

À la fin de sa carrière, qu’il arrête en 1990 après vingt-huit années de fonction, il poursuit le show sur la Une, dans « Intervilles ». Durant deux saisons, il reste sur TF1 puis migre avec l’émission sur France 2, pour enfin œuvrer sur France 3 en 2006 et 2007. Pour cet amateur de football, le choc de ses deux relégations successives est évidemment rude : il subit un AVC sans conséquence, qui le fait tout de même se retirer de l’antenne. Depuis, paisible dans son Alsace natale, il juge qu’un arbitre fantasque comme lui ne pourrait pas, de nos jours, exercer le métier. Tristesse.

 

Un autre homme en noir, plus récemment, lui a quelque peu emboîté le pas. Et comme le dit Robert Wurtz, Pierluigi Collina a « utilisé sa maladie qui le rend chauve comme une force ». Un arbitre a-t-il déjà atteint une telle autorité naturelle sur le terrain ? Et, ce faisant, une telle reconnaissance, allant jusqu’à apparaître sur la jaquette de la simulation sportive phare du moment (« PES »), en 2004 et 2005 ? Impensable aujourd’hui avec un officiel actuel, même si Mehmet Yildiraz a acquis une petite notoriété en tant qu’arbitre virtuel.

Quand on lui demande s’il a déjà été intimidé au moment de prendre une décision, l’Italien répond, avec le sourire : « Non. Il n’est pas facile de m’intimider. » Surnommé Kojak à cause de la perte soudaine de tous ses cheveux (et poils) à 24 ans, suite à une forme sévère d’alopécie, le Bolognais de 1,88 m, aux yeux exorbités, était craint par les joueurs. D’autant plus qu’aucune erreur majeure ne lui a collé à la peau durant sa carrière, lui conférant un surplus d’autorité.

Capable de s’interposer physiquement lors d’un début d’embrouille entre le « Pitbull » Edgar Davids et le Tchèque Tomas Repka, Pierluigi Collina avait le coffre pour arbitrer de très grands événements. La finale de Ligue des champions 2009, par exemple, où Manchester United gagne 2-1 en marquant deux buts au Bayern Munich dans les arrêts de jeu ; ou encore la finale de la Coupe du monde 2002 entre le Brésil et l’Allemagne (2-0). En 1999, il expulse même Fabien Barthez en finale de la Coupe UEFA après seulement 45 minutes de jeu, ne pouvant supporter qu’un autre chauve foule la pelouse. Il n’y avait effectivement la place que pour un seul Divin Chauve sur le pré, et Pierluigi Collina faisait parfaitement l’affaire.

 

 

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