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Arbitrage vidéo : stop ou encore ?

La VAR (Video Assistant Referee) est l’un de ces sujets auxquels on ne peut échapper depuis plusieurs mois. Et pour cause, il est à l’origine de nombreux débats enflammés. Encore plus clivant qu’un sondage chocolatine ou pain au chocolat, raclette ou tartiflette. Entre les pro, les contre, les ultra-contre et les indécis, pourquoi l’arbitrage vidéo suscite-t-il autant de controverse ?

 

L’arbitrage, un sujet central

Depuis les débuts du football, l’arbitrage est au centre des débats. Sur le terrain, l’arbitre est un élément aussi important que les joueurs. Il est le garant de l’ordre, l’homme de pouvoir et, de tout temps, le pouvoir a été sujet à contestation.

Des joueurs aux supporters en passant par les journalistes, la remise en cause des décisions arbitrales fait quasiment partie du folklore du foot. Une défiance exacerbée depuis qu’il est donné à tout le monde de voir et revoir les actions d’un match, au ralenti, sous tous les angles et en HD s’il vous plaît. De quoi donner l’impression au spectateur d’être encore mieux placé que l’homme au sifflet pour juger des faits de jeu.

Finalement il n’est pas si étonnant qu’on donne aujourd’hui cette même possibilité aux arbitres sur le terrain. D’où l’idée de planquer deux mecs dans une camionnette avec des écrans pour souffler les réponses. Quoi de plus fiable qu’une image ?

Voici là un outil qui permet de prendre de meilleures décisions et d’atténuer la marge d’erreur. Alors, pourquoi cette levée de boucliers contre la VAR ?

 

Raison vs Émotion

Le principal blocage psychologique en défaveur de la vidéo est celui de l’altération de l’expérience du spectateur, en particulier celui présent au stade.

Imaginez : votre équipe pousse, il y a un but crucial à marquer, celui de la victoire. Il ne reste que quelques minutes. Soudain, un ballon récupéré sur une mauvaise remise, une accélération fulgurante de l’attaquant, un contrôle réussi suivi d’une frappe puissante, le gardien est battu et… oui… BUUUUUT ! La tribune explose de joie, les vainqueurs tombent dans les bras de leur héros qui vient célébrer devant une foule en liesse. Ah, mais attendez… L’arbitre mime un carré de ses doigts, il demande la vidéo. Vous vous rasseyez, le silence tombe, les joueurs attendent fébrilement, les minutes passent quand enfin le juge se prononce : but validé.

Vous êtes toujours content, mais l’expérience n’est plus la même. La joie, la déception et la palette d’émotions que procure le spectacle d’un match de foot dans un stade sont altérées par le manque de spontanéité.

Il faut garder en tête que ces spectateurs, contrairement à ceux qui regardent le match sur leur téléviseur, n’ont pas de ralenti, pas de vidéo. Le temps nécessaire à l’arbitre pour discuter avec les messieurs de la camionnette est un moment de flottement pour le public au stade. Une situation comparable à l’irruption d’une publicité intempestive en plein milieu d’une séquence d’action dans un film au cinéma.

On en vient donc au cœur du dilemme : « Les erreurs d’arbitrage que la vidéo pourra éviter justifient-elles le sacrifice de l’expérience du spectateur ? »

 

Bilan de la VAR

Depuis le début de cette saison, la VAR est utilisée systématiquement en Serie A. Voici un premier état des lieux :

 

Ce compte-rendu clairement positif, tout du moins statistiquement parlant, plaide en faveur de l’arbitrage assisté par la vidéo. Mais il ne soulève pas ses limites, dont une de taille : vidéo ou pas, le mot final reviendra toujours à l’officiel sur le terrain. Bien que la VAR fournisse des informations factuelles pour aider à la prise de décision, il n’en reste pas moins qu’une bonne partie des jugements rendus par l’arbitre relèvent de l’interprétation personnelle. Une chose qu’aucune technologie ne pourra remplacer. La marge d’erreur sera donc toujours présente. Un arbitre, même assisté par tous les moyens techniques et innovations du monde, n’est pas infaillible. Dans ce sens, la vidéo ne supprimera pas la critique envers l’homme en noir, au contraire : elle risque de l’envenimer en éliminant toute indulgence pour l’erreur humaine. « Il avait la vidéo, il n’a pas d’excuse. »

La transparence n’est pas non plus garantie. Exemple en Allemagne où, en novembre dernier, le patron du centre de contrôle chargé de superviser l’assistance vidéo à l’arbitrage, Hellmut Krug, a été écarté, soupçonné de favoritisme.

 

Dans quelques mois, la VAR devrait débarquer à la Coupe du monde en Russie, mais pour beaucoup il s’agit d’une invitée indésirable. D’ici là, il ne fait pas de doute que le sujet suscitera encore des polémiques et générera son lot d’appréhensions.

Ce test ultime lors de la plus prestigieuse des compétitions sera l’occasion de se faire sa propre idée et de lever, peut-être, certains doutes. Car oui, la VAR investira vraisemblablement la Ligue 1 dès le début de la prochaine saison. Dans un climat de méfiance généralisée envers l’arbitrage français, à la lueur des incidents survenus récemment, la vidéo sera soit une bénédiction, soit une autre goutte d’huile sur le feu.

 

[MISE À JOUR DU 17 MARS 2018] L’utilisation de la VAR, pour le Mondial en Russie et la Ligue 1, notamment, a été définitivement entérinée.

 

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© Raúl Pérez Lara