En France, nous avons ce que nos médias aiment à appeler les « pseudos-supporters » de foot. Ceux qui, pour un mouvement de contestation, un fumigène craqué ou un déplacement non autorisé se retrouvent devant la justice à rendre des comptes. De l’autre côté de l’Atlantique, l’Amérique latine doit faire avec les Barras Bravas. Des groupes d’acharnés à fond derrière leur équipe, qui règnent en maîtres sur les tribunes populaires.
En Amérique du Sud, et plus particulièrement en Argentine (mais aussi au Brésil, où on les appelle Torcidas Organizadas), les Barras Bravas sont des rassemblements de supporters organisés et structurés. Leur mission première et officielle : animer les tribunes de leur club. Le clan est censé mettre l’ambiance tout au long du match avec moult chants et animations (musique, fumis, tifos). Ce qu’ils font plutôt bien, force est de le reconnaître.
Souvent comparés aux hooligans ou aux ultras les plus extrémistes du Vieux continent, ils représentent en réalité bien plus que ça, tant leur emprise et leur pouvoir sont importants. À l’amour du maillot, du club et de la ville se greffent les trafics de drogue, la violence et un fonctionnement mafieux. Il n’est pas rare que la barra gratte quelques biffetons à son club, ou même carrément aux joueurs. Eh oui, il faut bien financer les déplacements, les soirées… Une forme de racket institutionnalisé qui fonctionne grâce à la politique de la peur. De par leur influence, leur puissance et la crainte qu’elles inspirent, les Barras Bravas ont petit à petit pris une ampleur que les dirigeants du football sudam ont aujourd’hui du mal à maîtriser. Ces derniers ont longtemps profité des activités des barras pour acheter un semblant de paix sociale. Ils ont joué avec le feu et le retour de flamme est parfois douloureux…
Un mode de fonctionnement calqué sur les gangs
Les membres des Barras Bravas sont récupérés très jeunes, la plupart du temps dans les stades, où une tribune entière est généralement réservée (et gérée) par l’organisation. Le mode de recrutement est dramatiquement simple. La tribune en question étant la moins onéreuse, elle attire beaucoup d’ados (voire préados) issus des quartiers populaires et défavorisés. Et quand on sait que faire partie du gang peut offrir l’accès gratuit au stade, l’argument prend déjà du poids. En échange ? Quelques « petits » services et un rôle à jouer dans les activités parallèles, comme le trafic de drogue. La consommation d’alcool aidant, les jeunes tombent sous la coupe de chefs, qui utilisent la barra comme une importante source de profit. Fiers d’appartenir à un groupe d’envergure, les novices obéissent, sans poser de question, aux plus chevronnés.
La manne financière, tant elle est développée, est presque intarissable : came, donc, service de sécurité, revente de billets, gestion des parkings autour des stades… La barra se gave avec la bénédiction du club et des autorités, qui ferment les yeux. Un plan en or pour les truands avides d’argent.
L’ultra-violence en trame de fond
À l’instar de leurs cousins hooligans, européens comme mondiaux, les membres des Barras Bravas ont des préoccupations (outre celles financières) clairement définies : le rayonnement, la force et la réputation de leur clan. Dès lors, tous les moyens sont bons pour le démontrer au plus grand nombre. Meurtres, corruption, intimidations et trafics en tous genres, les Barras n’ont aucune limite quand il s’agit d’imposer leurs lois et leurs pratiques mafieuses.
Les sections les plus tristement chaudes et influentes, en Argentine, sont « La Doce » (Boca Juniors), « Los Borrachos del Tablon » (River Plate) et « Los Guerreros » (Rosario Central). Leurs trop fréquents faits d’armes font régulièrement les gros titres, et les affrontements entre groupes rivaux éclatent quasi systématiquement lors des matchs opposant leurs clubs.
Chaque année, on dresse la liste des faits divers liés aux Barras Bravas, qu’ils surviennent lors de batailles rangées, de règlements de comptes ou de trafics qui tournent mal. Un tableau bien noir et une épine dans le pied des clubs, qui ternissent l’image du football dans un pays où les vrais passionnés sont pourtant légion.