Beaucoup de choses peuvent être dites sur le fan. Un personnage parfois agaçant, parfois attendrissant, souvent caricatural. Mais le supporter de foot est avant tout une créature d’habitudes. On ne parle pas ici des coutumes admises comme aller au stade, gueuler en descendant des pintes, organiser tout son calendrier autour des matchs ou mener des débats enflammés, presque toujours teintés de mauvaise foi, pour défendre son équipe sur les réseaux. Non, voyez-vous, le spécimen a aussi toutes sortes de marottes plus ou moins inavouables, des petites manies bien à lui qui ont une finalité précise : conjurer le sort et porter bonheur à son club de cœur. Voici un florilège de superstitions de supporters. Ils ne sont pas fous, ils sont juste… passionnés.
La parka magique, le maillot maléfique et le chat
La superstition la plus courante est celle de l’association d’événements. Là où le commun des mortels voit une simple coïncidence, le supporter, lui, voit un signe du destin. Comme Fabio, fan de l’AS Monaco : « En novembre 2014, on m’a offert la parka de l’ASM, la Nike grise très chaude. Bien évidemment le samedi suivant je la mets pour aller au stade et on gagne. Je l’ai remise, on regagne. Alors, à chaque fois, je l’ai portée. Même en mai, pour la fin du championnat. »
Mais cela peut aussi fonctionner dans l’autre sens. Karim, aficionado du PSG : « Dès que j’ai mon maillot saison 2009-2010 pour mater un match, on sort une grosse prestation de merde. Du coup je ne le mets que les jours sans rencontre du PSG. »
Certains vont encore plus loin. Michel*, ancien superstitieux et supporter de l’OM repenti : « J’avais un chat porte-bonheur. Lorsqu’il était sur mes genoux durant un match, l’OM gagnait systématiquement ; mais donc impossible de hurler ou même de bouger. Lors du Real-OM à Bernabeu, en LDC 2003, il est sur moi. Fort de cette superstition, je ne bouge pas d’un poil : Drogba marque. Au bout d’un moment, le chat s’en va… Le Real gagne 4-2. »
Dieu et le foot
Doigt pointé vers le ciel, signe de croix, les démonstrations religieuses ne sont pas l’apanage des joueurs sur le terrain. Les passionnés les plus fervents ont eux aussi leurs pratiques mystiques. Marcelo* : « J’embrasse deux fois ma croix, une pour chaque mi-temps, avant le match. Pas très original, mais systématique. » Yannis, lui, embrasse toujours la statuette de la Bonne Mère avant de glisser sa carte d’abonné au Vélodrome dans sa poche.
« J’écoute Ave Maria en boucle une heure avant le coup d’envoi, puis j’embrasse l’image de la Vierge, que je pose toujours à côté de la télé. Parfois, si c’est un gros match, je me mets à genoux devant le téléviseur et je fais une petite prière. Par contre j’évite si j’ai des potes qui viennent à la maison », raconte Georgiana, dévouée au Spartak Moscou.
Sans être religieux, les rites de certains sont en tout cas quasi spirituels. Comme Pietro*, tifoso de la Juve : « Si je suis à la maison – ça arrive, j’habite loin de Turin –, je regarde le match seul. Trente minutes avant, une douche. Puis j’enfile le même maillot de Del Piero, l’extérieur de 2002, depuis des années. Enfin, six minutes dans le noir à écouter Il Seraglio de Mozart. »
Si vous faites un sondage, vous constaterez qu’il y a autant de rituels que de supporters. Pour la plupart, des personnes rationnelles et réfléchies. Mais dès qu’il s’agit de foot, comme en amour, la raison n’a plus sa place.
Les fans sont bien évidemment conscients du potentiel comique de leurs petites habitudes, et en rient. Michel le résume ainsi : « Le foot, c’est irrationnel, mais les humains qui sont derrière leur télé le sont encore plus, tant dans leurs manies que dans leurs excès. Bon, depuis, j’ai pris conscience que ça n’avait aucune incidence. Quoique… »
Donc la prochaine fois que vous croisez un type en maillot de foot faire le tour du pâté de maisons à cloche-pied en récitant des passages de la Bible, n’appelez pas la police tout de suite. Ce n’est pas un fou. Quoique…