Entre les Lagardère et le football, c’est une véritable histoire d’amour. En mai 2018, le fils de Jean-Luc, Arnaud, a déboursé 240 000 euros pour acquérir un maillot du PSG porté par Neymar. Un clin d’œil à son père qui a eu, de son côté, une relation plus étroite avec Paris : il a été le propriétaire du Matra Racing.
Ancêtre des City, PSG et consorts…
la dream team bien chère du Matra
Aujourd’hui, certes, le Matra Racing est aux oubliettes et son nom ne parle plus à grand monde. Le club, dorénavant appelé Racing Colombes 92, ou « Racing » pour les intimes, a connu neuf noms (!) différents depuis sa création, en 1896. Il végète désormais en National 3, loin du standing qui a été le sien dans les années 1980. Vous pensiez que « stars parisiennes » rimait obligatoirement avec PSG ? Détrompez-vous ! Le Matra, en son temps, avait une équipe à faire pâlir de jalousie Nasser Al-Khelaïfi.
Équipe importante des années 1930 aux années 1960, le Racing a glané un championnat de D1 en 1936 et quatre Coupes de France dans les années 1930 et 1940. Tombé dans l’anonymat et l’amateurisme au cours des sixties, l’entité renaît de ses cendres en 1982, sous l’impulsion de Jean-Luc Lagardère. Celui-ci entend faire du Racing le deuxième club important de la capitale française, au côté du jeune Paris Saint-Germain, né en 1970 et membre de l’élite dès 1974.
Le puissant homme d’affaires fait alors de l’équipe qu’il rachète son joujou, initialement dénommé Paris FC. Lagardère rebaptise son acquisition Racing Paris 1 (c’est laid, on vous l’accorde). Le nouveau proprio repeint également le maillot en bleu ciel et blanc, à l’instar de son voisin du Racing Club de France, avec lequel il va fusionner une saison plus tard, lors de l’accession en D2.
Dès lors, pour atteindre l’élite, le businessman fait chauffer la planche à billets, avec un recrutement évoquant celui de la première année qatarienne au PSG. Soit un truc prometteur, mais pas dingue non plus. L’ancien Marseillais Victor Zvunka débarque, suivi de quelques joueurs confirmés de D1. Et, surtout, de Rabah Madjer, un espoir venu tout droit d’Algérie et qui n’avait pas encore inventé le geste technique qui porte son nom. Après une rude bataille en barrage pour l’accession en D1, le Racing atteint le plus haut échelon national, prêt à tout casser.
Mais, le moins que l’on puisse dire, c’est que tout ne se passe pas comme prévu lors de la première saison parmi les grands. Malgré l’arrivée, en 1984, de l’international français Philippe Mahut (comment ça, vous ne vous rappelez pas ?), le Racing termine dernier du championnat et fait l’ascenseur. Pas abattu pour un sou, Lagardère sort le chéquier pour rapatrier Maxime Bossis, joueur majeur de l’équipe de France, ainsi que le Zaïrois Eugène Kabongo, qui claquera 29 buts en 30 matchs de D2. Champion, le Racing retrouve immédiatement l’élite.
Le businessman-président explose alors son PEL pour attirer de grosses stars, en 1986 : l’idole de Zizou, Enzo Francescoli ; le remplaçant de Manuel Amoros chez les Bleus, Thierry Tusseau ; le chouchou du Parc des Princes, Luis Fernandez, qui touche un énorme salaire pour l’époque ; ainsi que le finaliste des mondiaux 82 et 86, l’Allemand Pierre Littbarski, qui sera champion du monde en 1990.
Après une saison décevante (13e) et le départ du buteur germanique, auteur de 4 petits buts, le coach portugais Artur Jorge, vainqueur de la C1 avec Porto en 1987, prend les rênes du désormais Matra Racing. Qui porte donc le nom d’une marque, Matra, ce qui était interdit à l’époque.
Mais avec l’argent, on achète beaucoup de choses, dont les décisions de personnages haut placés, l’espoir David Ginola, le virevoltant Pascal Olmeta ou encore le Hollandais Sonny Silooy. Pas le soutien populaire, ceci dit, ni l’opinion publique. Les « Matraciens » –un surnom péjoratif donné par la presse– ne passionnent pas les foules. Le Parc des Princes se vide presque totalement lors de la saison 87-88, que l’équipe termine à la 7e place.
L’édition suivante confirme l’essoufflement ; le Matra se sauve de la relégation à l’ultime journée et Jean-Luc Lagardère jette l’éponge. L’entrepreneur abandonne son jouet, déçu par les résultats et le manque d’engouement. Quasiment toutes ses recrues partent à l’été 1989. Le Matra Racing coule. D’autres grands noms auront participé, plus ou moins brièvement, à l’aventure. En pagaille : Alim Ben Mabrouk, Aziz Bouderbala, Ruben Paz, Bernard Casoni, Bruno Germain, Vincent Guérin, Jean-Luc Dogon, Philippe Anziani…
C’est la fin d’une ère, marquée par un investissement de 300 millions de francs pour… que tchi. Dépenser une tonne d’argent pour ne pas atteindre ses objectifs, ça ne vous rappelle rien ? À Paris, les clubs changent, mais les traditions restent.
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