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New York Cosmos : ascension et chute d’un club de superstars

Alors que David Beckham a créé en 2018 sa propre franchise de soccer, l’Inter Miami CF, qui entrera en MLS pour la saison 2020, l’Anglais de 40 ans serait inspiré, d’ici-là, de regarder de plus près le parcours d’un mythique club américain qui a connu, il y a quelques années de cela, grande gloire et terrible déchéance : le New York Cosmos.



Découvrez l’histoire hollywoodienne d’un club mythique


Aux Etats-Unis, le modèle de la ligue fermée est roi et a court dans tous les sports majeurs : basket-ball, baseball, hockey sur glace et football américain. C’est également le cas en soccer, qui est une activité moins considérée. Dans le pays de Landon Donovan et d’Alex Morgan, plusieurs ligues peuvent exister en même temps, mais sans relation entre elles : en ce moment, la MLS est considérée comme la « division 1 » du soccer aux USA, parce qu’elle est la plus puissante – sportivement, financièrement, médiatiquement -, mais aucun club ne peut y accéder en étant champion d’une ligue « inférieure ». Pour postuler à une place en MLS, il faut déjà attendre que la ligue décide d’ouvrir ses portes à de nouveaux adhérents. Le club qui souhaite l’intégrer doit être en mesure de présenter un dossier en béton, une force financière conséquente avec un ticket en constante hausse ces dernières années, d’environ 150M$ et évoluer dans un stade attractif pouvant accueillir la foule de fans de soccer.

Le Cosmos nouvelle génération par exemple, a été trois fois champion de la nouvelle NASL (2011-2017), mais n’a pas été promu en MLS. C’était le même principe avec la NASL première génération (1968-1984), qui a vu grandir le Cosmos. Il faut avoir ça à l’esprit pour se rendre compte que le succès d’une ligue et de ses clubs est très lié. L’un va rarement sans l’autre. Cela a d’ailleurs servi puis desservi le New York Cosmos, qui a prospéré main dans la main avec la NASL, avant de s’effondrer sans pouvoir être soutenu par une ligue puissante. Affaiblie, la NASL a également disparu, en 1984, avant de renaître en 2011… et de disparaître à nouveau.

Le Cosmos parvient lui aussi à renaître de ses cendres, en 2010. La franchise attire les Espagnols Raul et Marcos Senna sur le terrain, et le King Eric Cantona en dehors, mais c’est évidemment sans commune mesure avec le passé mythique de la franchise, qui jouait à la belle époque au Yankee Stadium, 30 000 places, ou au Giants Stadium, 80 000. Aujourd’hui, le stade est de… 7 500 places. Depuis sa réactivation, il y a neuf ans, le New York Cosmos n’a donc évolué qu’en NASL et, le hic depuis la fermeture de cette dernière, c’est que le Cosmos se cherche une nouvelle ligue sans être assuré d’en trouver une. Et ce ne sera pas la MLS : la « D1 » a en effet refusé plusieurs fois d’accueillir le Cosmos, en privilégiant deux autres équipes new-yorkaises, les Red Bulls de New York, sorte de RB Leipzig mais de langue anglaise, et New York City, un Manchester City bis. Reste que, si elles trustent la MLS, ces deux équipes de Big Apple ne sont pas dans le cœur et l’esprit des suiveurs du football comme le Cosmos l’est depuis les années 70.

Comme souvent aux Etats-Unis, tout débute à Hollywood : le président de la Warner Bros., Steve Ross, veut s’impliquer dans le soccer et s’associe pour cela avec un journaliste sportif anglais, Clive Toye, ainsi qu’avec deux grandes personnalités qui ont la même ambition, les frères Ertegün, fondateurs du label Atlantic Records – Ray Charles ou Led Zeppelin leur disent merci. En 1971, tout ce beau petit monde venu du monde du spectacle créé le New York Cosmos. Comme une entreprise de divertissement ?

Le club raccourci le terme « Cosmopolitans » pour utiliser dans son nom « Cosmos », comme les New York Mets avec « Metropolitans », même si, un temps, « New York Blues » a été envisagé – ça aurait évoqué a posteriori les séries policières de Dick Wolf, ce qui aurait pu être cool. Ce sont les fans, ou du moins des gens qui avaient l’intention de supporter un club qui en l’état n’existait pas encore, qui ont tranché pour « Cosmos », lors d’un vote. Pour les couleurs de l’équipe, l’idée de faire venir la star brésilienne du moment est déjà dans l’esprit des décideurs, qui optent pour un maillot domicile reprenant les couleurs de la nation carioca, soit le jaune et le vert. Initialement dominant, le jaune devient secondaire au profit du vert dès la deuxième saison du Cosmos, en 1972, avant de laisser sa place au blanc, en 1975, pour évoquer le club de Santos. Mais pourquoi rendre hommage à un club brésilien, vous demandez-vous, naïfs lecteurs de Passe D ?

Vous attendiez qu’on le mentionne depuis le début de l’article, et comme dans les bons vieux films hollywoodiens, on a un peu ménagé l’arrivée de la star absolue de l’histoire du New York Cosmos : Pelé, le vrai, l’unique, débarque à 35 ans dans la Grosse Pomme. Bon, on ne va pas se mentir bien longtemps : avant d’évoquer tout ce que le Brésilien amène à la NASL, la ligue dans laquelle évolue le Cosmos, autant préciser que le joueur, qui a pris sa retraite internationale en 1971, a… raccroché les crampons quelques mois auparavant, à la fin de l’année 1974. Avant de s’apercevoir que ses finances ne sont pas au beau fixe. S’il envisage, un temps, de reprendre le foot en Europe, Pelé opte pour les Etats-Unis, où on lui propose un énorme salaire pour l’époque – le montant est incertain, mais il est assurément de plusieurs millions de dollars par saison.
Sa première apparition sous le maillot du Cosmos, cinq jours après sa signature, est pour un match amical face au Dallas Tornado. De manière exceptionnelle, la rencontre est diffusée sur CBS, en direct. Signe évident de la popularité qui accompagne le monstre brésilien : la retransmission débute dans le vestiaire, où on voit le numéro 10 faire des jongles avec ses coéquipiers, d’ailleurs admiratifs – « On le prenait en photo à l’entraînement » avouera le gardien de but de l’époque, Shep Messing.

Pour les premiers pas du Roi en Amérique, l’enceinte est pleine, le terrain pourri est repeint en vert pour bien passer à la tv et Pelé régale déjà, avec une passe décisive et un but de la tête. Pour un score final de 2-2 – tout n’allait pas être parfait, évidemment. Mais la Pelémania est belle et bien lancée chez les Amerloques.

Alors qu’en 1972, la finale du championnat entre le New York Cosmos, qui décroche son premier titre, et les Stars de St-Louis attire moins de 7 000 spectateurs au stade, la venue dans la ligue d’O Rei fait changer le club, la NASL et le soccer de dimension. Déjà, le club croule sous les demandes des supporters, qui ne se précipitaient pas au stade avant l’arrivée du Brésilien. Les enceintes sont alors régulièrement pleines à craquer : un record sera même établit en 1977 pour la réception des Strikers de Fort Lauderdale, avec 77 691 spectateurs au Giants Stadium. Du jamais vu dans l’histoire de la NASL. Ni en MLS, d’ailleurs – le record de la ligue de Romain Alessandrini plafonne à 70 425. Ensuite, la NASL grandit et attire les sponsors et les chaînes de télévision, après avoir eu du mal à se stabiliser à sa naissance : entre 1968 et 1969, 12 franchises sur les 17 que comptaient la ligue jettent l’éponge ! L’arrivée du Roi profite, manifestement, à tout le monde.

Si la première saison du celui-ci est par contre décevante en termes de résultats sportifs purs – 3e du championnat, pas de play-off -, les dirigeants décident de marquer une nouvelle fois le coup pour la deuxième année post-Pelé, en recrutant Giorgio Chinaglia, star italienne de 29 ans. Celui qui vient d’inscrire 122 pions en 10 ans et 246 rencontres sous le maillot de la Lazio Rome forme l’attaque de l’équipe avec le Brésilien et l’entraîneur-joueur du Cosmos, le Britannique Ken Furphy. Et les résultats s’améliorent : le Cosmos termine second de sa conférence, et Pelé est élu MVP de la saison, bien aidé par le précieux Italien, qui rapporte 49 points à son équipe – les stats aux USA sont un peu bizarres, on est d’accord. Malheureusement, ça ne sera pas suffisant pour déloger les Tampa Bay Rodies, le tenant du titre, qui torpille le Cosmos en finale de la conférence Est.

Jamais à court d’idées, le PSG ricain des années 70, blindé de tunasses, donne un prestige supérieur à son effectif avec les arrivées conjointes, en 1977, du Kaiser allemand Franz Beckenbauer et du comparse de Pelé en sélection brésilienne, Carlos Alberto. Cette internationalisation est d’ailleurs assez novatrice, les clubs européens alors dans l’ère pré-arrêt Bosman ne pouvant compter qu’un nombre très limité de joueurs étrangers dans leurs effectifs – maximum 3 jusqu’en 1996.

Avec cette machine de guerre sur le terrain, personne n’est de taille, et le Cosmos remporte enfin les play-off de la NASL avec O Rei. L’histoire est d’autant plus belle que Pelé décide de mettre un terme à sa carrière cette saison-là. Pour marquer le coup, le Brésilien fait un jubilé au Giants Stadium, avec une rencontre Cosmos-Santos. Mohamed Ali himself vient le saluer sur la pelouse, avant le début du match. Après avoir joué une mi-temps pour chacune des deux équipes, le Roi se retire, cette fois-ci définitivement – avec le salaire qu’il a eu pendant deux ans, fallait être bête pour être à nouveau en galère de flouze. Démarre alors la lente mais très progressive descente aux enfers du Cosmos, et avec lui, de la NASL.

Le club, qui a retiré « New York » de son nom pour être encore plus international, car sans référent géographique, décroche le titre une nouvelle fois l’année suivante, en 1977, grâce à Giorgio Chinaglia, qui empile les buts – 34 dans la saison. Si on ne minore évidemment pas l’importance de Pelé pour le Cosmos, elle a été peut-être plus marketing que sportive. En ce sens, il est indéniable que l’Italien est le joueur qui a laissé la plus grande empreinte sportive au club. En 254 matchs toutes compet’ confondues disputés avec le Cosmos, record du club, il inscrit… 242 buts, ce qui est également le record du Cosmos. Et de la ligue. Un peu bad boy sur les bords, l’Italien séduit Steve Ross, le président du club et de la Warner Bros. Cette relation particulière amènera notamment le licenciement d’un entraîneur avec qui il s’est brouillé. A New York de 1976 à 1983, Giorgio Chinaglia s’installe comme le pilier de l’équipe, au point d’en devenir un dirigeant, selon ce qu’il prétend en interview, et voit défiler chaque année toutes les stars, à qui il survit.

Et l’Italien en a vu passer, des vedettes du football : Pelé, Franz Beckenbauer et Carlos Alberto, donc, mais aussi les Néerlandais Johan Cruyff, pour quelques matchs amicaux avec le Cosmos – ce dernier jouera ensuite aux Los Angeles Aztecs et aux Washington Diplomats – ou Johan Neeskens, qui débarque en Amérique après neuf années à l’Ajax puis au Barça. Les résultats sont toujours là, mais sans Pelé, l’effervescence autour du club s’étiole un peu. Et les départs de Franz Beckenbauer et de Carlos Alberto, en 1980, n’améliorent pas la situation. L’année qui suit, en 1981, l’affluence au stade chute irrémédiablement et ce n’est pas les retours successifs de Carlos Alberto, pour la saison 1982, puis de Franz Beckenbauer, pour celle de 1983, qui améliorent la donne. Les Américains, qui au fond n’aiment pas réellement le soccer, et qui le considèrent avant tout comme un sport d’étrangers, se désintéressent de la NASL, et du New York Cosmos. Que le grand méchant capital finit par avaler tout cru.

En effet, au début des années 80, le magnat de la presse Rupert Murdoch tente d’acheter la Warner, qui détient le Cosmos. Le studio de cinéma, à cause de cet OPA hostile qui échoue, revend le club à des structures moins puissantes qui, à leur tour, cèdent le bébé à un syndicat mené par… Giorgio Chinaglia, fidèle parmi les fidèles. Sa fidélité ne sera, cependant, guère récompensée : le Cosmos, alors forcé de réduire la voilure et de vendre ses meilleurs éléments, ne se qualifie pas en play-off en 1984, ce qui signe l’arrêt net du club et surtout de la NASL. La ligue ferme, car désertée par les chaînes de tv, les sponsors… et par les stars : le Kaiser Beckenbauer a quitté les USA en 1983, George Best et Carlos Alberto un an avant, Gerd Müller un an encore avant. La fuite des talents sera fatale à la NASL, qui n’a pas eu la brillante idée de s’appeler « La Ligue des Talents », comme la L1, pour tous les retenir et survivre. Le Cosmos, lui, se renouvelle en devenant une équipe indoor. De foot salle, en somme. Personne ne vient mater les matchs, évidemment, et le Cosmos disparaît officiellement en 1985.

L’aventure de ce club aura été belle, voire grandiose grâce à toute cette constellation de stars du football rappelant les Galactiques madrilènes. Mais dans un pays qui, à l’époque, n’aime pas réellement le soccer, et préfère, de manière un peu farfelu, des sports où il y a tout le temps des temps morts et des publicités – vous ne trouvez pas ? -, le New York Cosmos ne pouvait qu’être une nouveauté marketing dont le succès a été, au fond, simplement une mode.
Comme les pantalons pattes d’éph’, le Cosmos a eu un beau succès dans les années 70, mais début 80, ça ne plaisait plus à grand-monde tellement c’était moche, et ça a finit au placard.

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