Ce n’est pas Patrice Evra, qui croyait qu’il fallait avoir le flair d’un enquêteur pour être capitaine en équipe de France. Mais la réponse à cette question est plus subtile et plus vaste que cette évidence. Entraîneurs et joueurs ont des avis divers sur la question, même si tous se rejoignent sur le principe du caractère, qui doit être fort, et sur cette qualité qu’on nous rabâche à longueur de temps : le leadership.
Faut-il être le meilleur ? Le plus gueulard ?
Rudi Garcia, le coach de l’Olympique de Marseille, a avoué ne jamais confier le brassard au gardien de son équipe. C’est sa théorie, qu’il applique depuis le début de sa carrière, de Lille à l’OM en passant par l’AS Rome. Dans la capitale italienne, l’entraîneur français a eu la chance que ni Francesco Totti ni Daniele De Rossi ne soient des portiers –comment aurait-il fait à la Juve, avec Gigi Buffon ?
Lors de son retour à Marseille, affublé de l’étiquette de troisième gardien de Crystal Palace (derrière les prestigieux Wayne Hennessey et Julian Speroni), Steve Mandanda ne récupère pas le rang qui était le sien depuis 2010 et la période –triomphale, comme toujours– de Didier Deschamps. Alors que Rudi Garcia exclut le poste de goal de l’équation, en avançant le fait que celui-ci est déjà un meneur, DD, le capitaine de tous les capitaines, n’en fait pas, lui, une affaire de poste. Celui qui portait déjà le brassard en CE1 et qui parlementait avec la maîtresse sur la durée des récréations, a toujours été un leader dans l’âme. Le fait qu’il ait été présent à chaque fois que la France a connu de grandes victoires –capitaine de l’OM en 1993, des Bleus en 1998 et en 2000, sélectionneur en 2018– est on ne peut plus révélateur. Gagneur, leader, le « porteur d’eau », ainsi que le qualifiait Éric Cantona, se muait, dans le vestiaire, en un entraîneur bis, comme le documentaire « Les Yeux dans les Bleus » l’a superbement montré –il soûle ses coéquipiers de paroles et n’arrête jamais de leur donner des consignes.
Les qualités hors du terrain comptent beaucoup, évidemment, mais le plus important, pour un capitaine comme pour un joueur lambda, se mesurent sur le rectangle vert. Là, un bon patron doit aussi abattre un vrai boulot pour justifier la confiance de son coach. Dans le foot actuel, Sergio Ramos s’avère être le meilleur capitaine du monde. Sans contestation possible. Le défenseur central du Real Madrid et de l’Espagne fait tout ou presque : il pose des tacles, marque des buts, défend debout, tire les penaltys, fracasse la tronche des adversaires –Mohamed Salah en finale de Champions League, par exemple– et, en plus de tout ça, arbitre. Avec Ramos sur le pré, la VAR est complètement inutile tant le Madrilène aide les hommes en noir à prendre les « bonnes » décisions ; il lève le bras pour un hors jeu, quémande un carton pour une faute d’un adversaire, calme l’arbitre qui veut sanctionner un de ses coéquipiers… Un vrai capitaine, loin –pardon de le remettre sur le tapis– d’une chouineuse comme Thiago Silva, un si brillant leader qu’il a été écarté de la sélection brésilienne pendant un an après la Coupe du monde 2014 (durant laquelle il portait le brassard, remember 7-1).
Si le capitaine n’a pas l’esprit retors d’un Sergio Ramos, tout n’est pas perdu, car une troisième voie s’ouvre à lui : le capitanat au talent. La nomination de Dimitri Payet à l’OM peut s’expliquer en ce sens. Il n’y a qu’à visionner sa première « causerie » en tant que patron (voir les premières secondes de la vidéo ci-dessous) pour se dire qu’il ne semble pas être taillé pour le rôle… Et pourtant. À l’instar du timide Nabil Fekir à Lyon, Dimitri Payet, numéro 10 sur le dos, apparaissait comme le joueur le plus virtuose du groupe et, sous son règne fait de gestes techniques, il emmenait Marseille en finale de Ligue Europa.
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