Démarrée triomphalement avec Sonny Anderson, la filière brésilienne moderne n’a pourtant pas apporté que des titres et des coups-francs dans la lulu à l’OL. Le club de Jean-Michel Aulas a aussi fait des « Luiz Fabiano ». Ou presque.
Un article qui va faire plaisir aux amateurs de Ligue 1
Evidemment, Passe D n’a pas pour but d’être exhaustif, et ne s’attardera pas sur tous les Brésiliens passés par le club ennemi de l’ASSE, notamment avant l’arrivée de Sonny Anderson. Lequel a été transféré à Lyon en 1999, pour 120 millions… de francs. Soit 17,7 millions d’euros, déjà un beau pactole.
Il faut dire que le Brésilien, aujourd’hui consultant pour BeIN Sports, vient alors du Barça, après être passé par l’OM, de 1993 à 1994, où il se révèle – 16 buts en 24 rencontres -, et par l’AS Monaco, de 1994 à 1997. Sonny Anderson est donc réputé pours ses buts… et pour son prénom plutôt classe qui évoque l’un des deux personnages principaux de la série US Deux Flics à Miami, Sonny Crockett. Et pourtant, ce n’est pas Anderson qui sera surnommé « Le Policier », à l’OL.
Le buteur se contente, en fait, d’être le premier capitaine de Lyon à remporter le championnat de France, après deux saisons terminées sur le podium, en partie grâce à ses buts – 45 au total. Sonny Anderson est tellement travailleur, ce qui explique sa régularité avec Lyon, qu’il perfectionne son mauvais pied, au point d’être plus à l’aise avec ce dernier qu’avec son bon pied. « J’ai tellement utilisé mon pied gauche qu’au bout d’un moment, mes frappes enroulées, mes coup-francs étaient plus précis que lorsque j’utilisais mon pied droit ». Et plus précis que lorsque Juninho Pernambucano tirait, lui, les coups-francs ?
Visionnaire, Jean-Mi se dit que les Brésiliens à l’OL, ça va forcément fonctionner : en plus de Sonny Anderson, le défenseur Edmilson, qui fait des coups du foulard de 40 mètres, débarque chez les Gones en 2000. En 2001, l’été juste avant le premier titre de champion, c’est Juninho Pernambucano qui s’en va du Brésil, et de Vasco de Gama, pour Lyon. Sur ce coup-là, Marcelo Djian, ex-international brésilien passé par le club, et devenu recruteur de l’OL dans son pays natal, a eu le nez sacrément creux. Ce qui ne sera pas le cas à chaque fois, loin s’en faut. Mais conseiller de prendre « Juni », milieu de déjà 26 ans, devenu avec Lyon le joueur le plus prolifique du monde sur coup-franc, on appelle ça un coup de génie, non ?
En 2004, Sonny Anderson et Edmilson, coup sur coup, quittent le club pour rejoindre l’Espagne – le premier, pour Villareal, le second, pour le FC Barcelone. C’est alors que la deuxième génération d’Auriverdes prend définitivement le pouvoir : Juninho Pernambucano, Claudio Caçapa, arrivé également en 2000, et Cris, recruté lui en 2004, pour remplacer Edmilson, forment la triplette des Brésiliens majeurs du club, qui gagnent chaque année la L1 jusqu’en 2008.
Le premier inscrit la bagatelle de 44 coup-francs à Lyon, soit… 44% de ses buts pour le club, un taux vertigineux. Près de la touche, de 45 mètres, devant la surface, le milieu relayeur rentre des coup-francs de partout, dans tous les coins. Et contre tout le monde : Ajaccio ou le Real Madrid, Sedan ou le Barça, pas de jaloux. Cris non plus n’en fait pas, des jaloux, lors de son passage sur les pelouses de L1: le Policier défonce tous les attaquants qui se pressent devant lui. Bon, à partir de 2009, l’année du départ de Juninho, le défenseur est moins performant. Et en 2012, c’est lui qui se fait défoncer, mais dans la presse, par son président. Jean-Michel Aulas, qui a toujours été offensif devant les médias, accuse le joueur d’avoir « pourri le vestiaire » et d’avoir « freiné la progression de la paire Koné-Lovren » – dans le cas de Bakary Koné, il l’a tellement freiné qu’elle est manifestement tombée au point mort. Aulas finit même par traiter Cris et d’autres cadres du vestiaire de « dinosaures » et de « pharaons ». Ça en est trop : en septembre de cette saison-là, le défenseur quitte l’OL, alors qu’il en est le capitaine depuis 2009. Pour une raison bien particulière : le précédent porteur du brassard, Sidney Govou, a été déchu de son statut à cause d’une « faute de vie », comme il l’a appelé lui-même dans un communiqué plein d’excuses. Remarquez, il fallait bien qu’on évoque Govou dans cet article : il est assurément le plus brésilien – entendez « festif » – des Français passés par l’OL…
Pour Claudio Caçapa, le constat n’est pas le même : s’il a gagné les sept titres de champion de l’OL et que son départ coïncide hasardeusement avec le début du déclin du club, ce n’est pas de son fait. Bon joueur, mais loin d’un Cris et d’un Edmilson, il n’aura connu que 4 sélections avec la Seleção, et apparaissait plutôt comme le Brésilien de l’ombre que comme une véritable alternative au Policier. Bien que le brassard ait entouré son bras durant plusieurs saisons.
Mais évidemment, dans toute cette collection de Brésiliens, il y a eu des ratages complets. Prenez par exemple Fabio Santos et Cléber Anderson. Deux inconnus, débarqués dans le Rhône en 2007 depuis Cruzeiro pour l’un, Benfica pour l’autre, et qui retourneront direct au Brésil après leur passage en France. C’est dire leur niveau. Le premier, milieu défensif, joue peu à son arrivée, file au Brésil en prêt après six mois en L1 parce que sa femme, enceinte, ne veut pas venir en France, puis revient et s’embrouille avec Claude Puel, ce qui précipite son départ définitif. Le second, qui a dû être recruté grâce à son nom qui rappelait de doux souvenirs aux dirigeants, est arrivé pour compenser la grave blessure de Cris, en 2007. Défenseur central, il n’a joué que 19 matchs en trois saisons pour l’OL. Pour terminer leur histoire commune, le club a préféré rompre son contrat, plutôt que de le garder et le vendre… Prêté un an après son arrivée à Lyon à São Paulo, puis à Cruzeiro, Cléber Anderson s’est surtout distingué lors d’un match face à l’OM, où sa jolie glissade a offert un but à Mamadou Niang…
Mais c’est surtout en attaque que le club, en essayant de manière très régulière de choper le nouveau « Anderson », s’est souvent trompé : l’OL a attiré un numéro 9 brésilien trois fois en trois ans (2003, 2004, 2005), après le départ de Sonny. Le premier arrivant, et non des moindres, se nomme Giovane Elber. L’attaquant débarque à Lyon pour remplacer le capitaine sortant, qui vient de filer. Si, sur le papier, recruter un mec qui vient de planter 92 pions en 169 rencontres avec le Bayern Munich semble une excellente idée, il faut savoir que le Brésilien a déjà… 32 ans. Et qu’il vient à reculons, puisque c’est surtout les Bavarois qui ont voulu se débarrasser de lui : « Le Bayern voulait recruter Makaay et mon contrat expirait l’année suivante. (…) Ils m’ont clairement dit que si je restais, c’était pour être sur le banc ou en tribunes. (…) J’ai donc décidé de partir et ils ont réussi à me vendre à Lyon. Je suis parti déçu. (…) Quand je suis arrivé à Lyon, j’ai regretté. Pour le style de jeu, pour le championnat français dans son ensemble. » Mais comment ça ? Jouer face à Frédéric Dehu ou au Stade de la route de Lorient, ce n’était pas aussi bien qu’au Bayern ?
Heureusement pour Giovane Elber, il se blesse sérieusement à l’été 2004, se dispute avec le médecin du club et rompt son contrat à l’hiver 2005. Bye bye la L1. Entre-temps, un nouveau Brésilien est recruté pour pallier son absence : Nilmar. Et ses débuts sont ultra-prometteurs : entré en cours de jeu face à Rennes, le nouveau inscrit un doublé en une poignée de minutes de jeu. Et puis ? Patatras. Zéro but en championnat pour le reste de la saison, cinq pions dans les autres compétitions et à jamais dans les esprits lyonnais avec un penalty non sifflé sur lui contre le PSV, lors de l’élimination du club en quart de finale de la Ligue des Champions 2004-2005. Et comme, à Lyon, « un Brésilien peut en cacher un autre », Nilmar est vendu à l’été suivant et est remplacé par Fred.
Evidemment, des trois, c’est lui qui s’en sort le mieux. Durant ces deux premières années à l’OL, il marque, et oblige parfois Karim Benzema à jouer sur le côté gauche pour que lui soit en pointe. Fred est même régulièrement appelé en Seleçao (39 sélections) et finit sa carrière avec une sélection de moins que Juninho (40), mais bien plus que Cris (17), ou tous les autres brésiliens passés récemment par l’OL. Qui l’eut crû, honnêtement ?
Peu à peu vacciné des Brésiliens, Jean-Michel Aulas a ralenti doucement mais sûrement la cadence auriverde. En effet, depuis 2009, seul cinq compatriotes de Neymar atterrissent à l’OL, pour des fortunes diverses. Si Michel Bastos laisse un bon souvenir après son passage au club (2009-2013), notamment grâce aux tirs – à balles réelles – qu’il envoie sur les portiers adverses, il est de ceux qui se prennent quand même une… bastos après la sortie mitraillette que Jean-Michel Aulas effectue dans la presse, à l’été 2012, alors que le club a fini 4e de la L1. Alors que les supporters se rappellent ses trois buts lors des matchs contre l’AS Saint-Etienne, le boss, lui, reproche au Brésilien son irrégularité chronique, avec une punchline bien sentie : « Bastos, c’est un cas d’école. Mais à deux ans de la Coupe du Monde au Brésil, il va aller beaucoup mieux, croyez-moi ! » Faux. Six mois plus tard, le joueur file aux Emirats, puis en 2014, revient en Europe, à l’AS Rome. Or, ce n’est pas suffisant pour participer à la Coupe du Monde dans son pays. Mais pour se prendre 1-7 en demi face à l’Allemagne, ce n’est pas plus mal, non ?
Pour Ederson, qui joue à l’OL pratiquement en même temps que Michel Bastos, le cas est différent : intéressant quand il joue, l’ex-Niçois est en réalité trop souvent blessé et ne dispute que deux saisons pleines sur ses quatre années à l’OL. Qu’il quitte libre, en 2013.
Ces deux cas particuliers, insatisfaisants à divers degré, amènent un trou de deux années à l’OL, où aucun Brésilien ne revêt le maillot du club. A leur place, une ribambelle de jeunes formés au club débarque dans l’effectif pro, avant d’être rejoint par le Brésilien Rafael, en 2015. Lui et son bro’ Fabio espéraient devenir les nouveaux Neville – Phil et Gary – de Manchester United : ils seront finalement les deux « Pereira da Silva » de la L1. Ca en jette moins, c’est sûr. Rafael Pereira da Silva, donc, produit des performances satisfaisantes sans être renversantes, à l’OL, où son acclimatation au club est par contre optimale. Il n’y a qu’à voir le tacle par derrière qu’il fait péter à Yann M’Vila, lors d’un derby contre l’ASSE, en 2018, pour s’en convaincre. Son interview d’après-match est savoureuse : il affirme bec et ongles qu’il n’a pas touché le joueur, dans une sorte de remake à peine déguisé du « j’ai pas touchéo » de Brandão. Caractériels les Brésiliens ? On pourrait le croire également grâce à Fernando Marçal, qui arrive à l’OL l’an dernier et se fait moins remarquer par ses performances que par ses coups de sang : l’un envers son entraîneur, à qui il ne sert pas la main après un remplacement, ce qui lui vaudra une sanction financière ; l’autre envers un arbitre qu’il prend par le cou, par réflexe, alors que ce dernier le bouscule par inadvertance. Ce qui ne lui vaudra d’ailleurs aucune sanction des instances. A l’OL, mieux vaut manquer de respect au coach qu’aux arbitres…
Marcelo, lui, manque de respect à tout le monde avec ses performances lunaires lors de sa deuxième saison au club, après une première réussie, où il s’est affirmé comme un taulier de l’effectif. Le joueur de 31 ans, régulièrement capitaine quand Nabil Fekir est absent, goûte rarement au banc de touche, manque de concurrence oblige, mais sa lenteur et ses imprécisions en font la cible des critiques, et valent aux Lyonnais de se prendre pas mal de buts. Il est loin, le temps de l’intraitable « Policier » Cris…
Alors certes, l’OL n’a pas toujours pratiqué un football samba, mais sa régularité à recruter des footballeurs venus du Brésil a été très remarquée, en L1. Si le club n’a pas forcément accueilli les plus illustres brésiliens passés par le championnat de France – Ronaldinho, Neymar, Thiago Silva, Jairzinho, Rai, Carlos Mozer ou encore Brandão n’ont pas joué à l’OL -, leur niveau, souvent élevé, a permis au Lyon de Jean-Michel Aulas de briller sur la scène nationale et internationale durant une décennie. Notamment grâce aux buts de Sonny Anderson, aux tacles de Cris et aux coups de pattes de Juninho Pernambucano. Reste à savoir si les Brésiliens présents actuellement au club, ou les futures nouvelles recrues de cette nation, seront plus facilement comparés à ces trois joueurs… ou à Fabio Santos et Cléber Anderson.
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