S’il a connu cinq clubs dans sa longue carrière, de 1994 à 2013, Gennaro Gattuso est irrémédiablement associé à l’AC Milan. Et un Milan dominant où son esprit conquérant a toujours su se faire une place, au milieu des élégants Paolo Maldini, Andrea Pirlo, Ricardo Kaka ou Alessandro Nesta. Dorénavant entraîneur du club, l’ex-milieu essaie d’inculquer des valeurs de combats à ses ouailles. Avec succès, cette saison.
“Il pensait sûrement que vu que je suis petit, j’ai aussi une petite bite”
Si le club lombard a le plus marqué sa carrière, l’Italien n’y a pas été formé, et a atterri dans la formation de Silvio Berlusconi en 1999, lors de sa sixième saison professionnelle. Avant cela, Gennaro a fait ses gammes en Serie B puis A, avec Pérouse, durant deux saisons, pour ensuite filer en Ecosse, au Glasgow Rangers. Et quel meilleur endroit pour un joueur ultra-physique comme lui qu’une ligue du Royaume-Uni où les coups pleuvent aux quatre coins du terrain ? Et ce n’est pas le mauvais temps, bien au contraire, qui a découragé le choix de l’Italien, né en Calabre, une région du sud du pays : « Pour moi, un match de foot idéal, ça se joue un soir d’hiver, sous la pluie, dans le froid (…) Quand je joue dans les conditions que j’ai souvent rencontrées en Ecosse, ça me booste encore plus. »
L’Italien impressionne d’ailleurs un peu tout le monde sur le champ de bataille, là-bas, même s’il n’y garnit pas son palmarès en deux saisons. Avec Glasgow, il goûte cependant pour la première fois à la Ligue des Champions, mais s’embrouille avec son entraîneur, Dick Advocaat, ce dernier voulant le faire joueur en défense, contre son avis. Gattuso décide alors de rentrer à la maison, en Italie, dans le club de Salernitana. Trop fort pour sa formation, qui est relégué à la fin de la saison en Serie B, Gattuso s’y fait remarquer et, très courtisé, choisi le Milan AC. Pour y démarrer une belle et longue histoire d’amour.
Dans la capitale de la mode, le joueur, qui récupère le numéro 8, contraste forcément un peu. Entouré par des gravures de mode et des joueurs ultra-élégants sur le pré, Gattuso passe un peu pour un sauvage, avec son style de jeu rugueux et agressif, et le combo cheveux longs-barbes de quelques jours qu’il se crée au fil des années. Ses associations avec des joueurs qui sont ses antithèses, comme Rui Costa, Clarence Seedorf ou encore Andrea Pirlo, détonnent. Même pour lui : « Quand je l’ai vu jouer, je me suis même demandé si je ne devais pas changer de métier. (…) Est-ce que j’étais comme Pirlo ? Ne dites pas de bêtises. Ne confondez pas le chocolat avec du Nutella. »
Humble sur ses propres capacités footballistiques, Gennaro Gattuso était quand même loin d’être un peintre, même s’il s’est souvent fait remarquer par son agressivité et ses coups de sang, dont un mémorable tête contre tête en Ligue des Champions avec… un entraîneur adjoint de Tottenham, Joe Jordan, en 2011. « Il pensait sûrement que vu que je suis petit, j’ai aussi une petite bite » résumera avec élégance Gattuso. S’il était donc petit, et n’avait pas la frappe de balle d’un Seedorf, la technique d’un Rui Costa, la maestria d’un Pirlo ou l’habileté d’un Kaka, l’Italien se démarquait quand même par ses propres qualités, plus défensives. Son abattage énorme, sa capacité à récupérer les ballons et à détruire, tactiquement et physiquement, les milieux de terrain adverses faisaient de lui un des meilleurs milieux de terrains de son époque. Avec un palmarès en plus bien fourni : une Coupe du Monde avec l’Italie en 2006, deux Ligue des Champions, deux championnats d’Italie, entre autres.
Joueur dominant sur le terrain, Gattuso l’était aussi en-dehors. S’il pouvait foutre des sacrés taquets sur le pré, et demander avec véhémence à des joueurs comme Ronaldo – le vrai – ou Pavel Nedved d’arrêter de chouiner auprès de l’arbitre, Gattuso envoyait aussi des scuds hors des terrains. Sur Zinédine Zidane, qui était selon lui « dur à arrêter » et qui lui faisait faire « des prières » avant les matchs ? « Il pleurnichait quand il jouait contre moi. » Leonardo ? Alors entraîneur de l’Inter, le Brésilien était un « homme de merde » pour Gattuso, qui l’a chanté devant une tribune milanaise à la fin de la saison 2010-2011. Même son ex-coéquipier Pirlo se faisait tacler : « Comme ça, il avait l’air d’une personne très sensible, mais en réalité, et avec tout le respect que j’ai pour sa mère, c’était un grand fils de pute. » Cette affirmation a cependant été lancée avec un soupçon d’affection. Une affection un peu sauvage, à la « Ringhio », son surnom qui signifie en italien… rugissement. Comme ceux, impressionnants, qu’il a poussés devant son coach Carlo Ancelotti, qui lui reprochait d’avoir posé un tacle rugueux par derrière sur Ricardo Quaresma, un soir de derby face à l’Inter ?
Si la plupart de ses expériences d’entraîneur se soldent par des échecs, souvent cuisants – Sion, Palerme -, Gennaro Gattuso réussit à Pise, qu’il emmène en Serie B depuis la Serie C. En novembre 2017, Gennaro Gattuso revient à Milan pour prendre la suite de Vincenzo Montella, licencié pour résultats insuffisants. Comme quelques anciens joueurs du club – Clarence Seedof, Pippo Inzaghi -, Ringhio, certainement aidé par son long passif au Milan AC, est appelé au chevet du club pour redorer son blason, terni. Si la première saison est moyenne – 6e de Serie A -, malgré une victoire de prestige contre l’Inter, notamment, la seconde démarre sous de meilleurs auspices, et en mars, le club apparaît en bonne voie pour retrouver la Ligue des Champions, compétition que le Milan AC n’a pas jouée depuis la saison 2013-2014. Ce qui doit être insupportable pour celui pour qui le club est une « seconde peau ».
S’il a semblait limité partout ailleurs, Gennaro Gattuso dévoile tout son talent de coach dans son club de toujours. Sa rage de vaincre, ou plutôt sa haine de la défaite – « Quand je perdais un match, je cassais tout par frustration (…) » – semble transcender un effectif pas fracassant, avec seulement quelques individualités qui se démarquent – Gianluigi Donnarumma, Tiémoué Bakayoko, Suso, Krzysztof Piatek. A moins que Ringhio inspire… la peur ? « Fais ce que je te dis ou je vais te détruire cette semaine » a-t-il dit à Gigi Donnarumma, pendant un match gagné contre Bologne, en décembre 2017, au début de son mandat.
Ecouter les consignes de la bête Gattuso ou se faire fracasser à l’entraînement : ce dilemme risque bien d’emmener les joueurs du Milan AC en Ligue des Champions.
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