Mais qui es-tu vraiment, Marcelo Bielsa ?

Préambule. « S’aventurer à écrire sur Bielsa, c’est prendre le risque de ne jamais arriver à en dire assez. Par où commencer ? Le jeu ? Le personnage ? La philosophie ? Le choix devient vite cornélien. Trois ouvrages de référence existent aujourd’hui sur Marcelo Bielsa [voir bibliographie] et pourtant il y a comme une impression de ne toujours pas en savoir assez sur lui. Finalement que ce soit en un ouvrage de 300 pages ou en un article de 500 mots, raconter Bielsa est un éternel préambule. »

 

Bielsa est comme le whisky : soit on l’aime, soit on le déteste, pas de demi-mesure. Mais il est surtout et principalement le football, tout le football dans tout ce qu’il peut avoir de beau mais d’irrationnel, aussi.

S’il n’est pas né avec un ballon collé aux pieds, cela était tout comme. Non, Marcelo Alberto Bielsa n’a pas une histoire à faire pleurer dans les chaumières, pas d’enfance vécue dans la misère avec le foot comme seule échappatoire. Marcelo est bien né, le football est une passion qui s’est imposée à lui sans raison particulière. Comme lorsqu’on tombe amoureux sans que cela ne puisse s’expliquer, parce qu’un regard, parce que tout et rien en même temps.

Cela commencera dans la rue, comme souvent, puis dans un club, celui du cœur : Newell’s Old Boys. L’aventure sera de courte durée, avec très peu d’apparitions en équipe première. Viendra ensuite la reconversion : préparateur physique, puis professeur.

A lezione da El Loco 🇦🇷

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Professeur, voilà un titre qui qualifie bien Marcelo Bielsa encore aujourd’hui. En conférences de presse, en séminaires (très nombreux), sur les bords d’un terrain, on écoute le professeur, on vient même de loin pour s’imprégner de sa science. Bielsa fait penser à un starets sorti tout droit d’un roman de Dostoïevski, « à la fois conseiller et enseignant… maître spirituel charismatique dont la sagesse relève plus de l’intuition que de l’expérience ».

Bielsa « El Cabezon* », devenu « El Loco » plus tard, dérange autant qu’il fascine. C’est souvent le cas pour ces choses que l’on n’arrive pas tout à fait à cerner, à mettre dans une case, comme une pièce de puzzle impossible à placer. Serait-ce voulu de sa part ? Peu probable. Finalement le mythe Bielsa ne repose que sur la perception qu’on a de lui. À l’image du chat de Schrödinger, il est et il n’est pas ce que l’on pense. Il est peut-être tout autant un génie révolutionnaire qu’il est cet entraîneur qui n’a pas gagné « grand-chose ».

Le football ? Il le lit, il le parle, il l’explique, il l’étudie, il le triture, il l’expérimente puis il le présente aux yeux du monde. Quand le succès est total, ça donne : le Newell’s Old Boys des 90’s, la sélection argentine du début des années 2000, l’Athletic Bilbao de 2011, l’OM de 2014… Quand cela se passe mal : des démissions à la pelle, des ruptures de contrat et toujours beaucoup de questions. Pas qu’il ne se donne pas la peine d’expliquer, bien au contraire, mais cela ne semble jamais assez suffisant, satisfaisant.

Le fin mot de l’histoire est que Bielsa fait ce qu’il veut parce qu’il en a décidé ainsi. Mais on est loin des caprices. Ses décisions ne sont pas impulsives, elles sont souvent mûrement réfléchies, argumentées. Notamment quand il détaille le « procédé empirique » qui l’a amené à démissionner de son poste d’entraîneur de l’Olympique de Marseille. Marcelo aime ou n’aime pas, pas de compromis, jamais. Une qualité autant qu’un défaut.

Marcelo aime le tango, celui qui se danse dans les rues de Buenos Aires et celui qu’il fait danser à ses joueurs sur le terrain. Une danse rigoureuse de technicité, de précision et demandeuse en effort physique. Une danse qui exige surtout deux choses primordiales : la confiance et la passion. « Je te pousse tac-tac, tu me retiens ; j’avance tac-tac, tu recules. » Ainsi pourrait se résumer aussi la carrière de l’Argentin.

De ce qu’il aime : les gens, le football, le travail, le dévouement, un joueur polyvalent, dix systèmes de jeu –ni plus ni moins–, Louis van Gaal, le marquage individuel, la viande.

De ce qu’il n’aime pas : les journalistes, s’exposer, jouer le nul, s’adapter, revenir sur sa parole, s’économiser, le triomphe sans gloire, un bloc bas, probablement Mourinho.

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Le récent épisode lillois vient rajouter une énième ligne sur le CV d’un homme à la carrière tumultueuse, un chapitre sans gloire mais pas sans intérêt. Un fanatique cherchera et trouvera probablement des circonstances atténuantes pour défendre son maître à penser. Un sceptique se confortera dans son scepticisme.

Marcelo Bielsa est comme le whisky, il ne se dilue pas, il ne se noie pas dans un coca. Il se boit sec ou il ne se boit pas.

(*) Tête de bois, têtu.

 

Bibliographie :

 

 

© Рыбакова Елена – Instagram mundo_futbol_online, historyfootball1846, srcomillas  

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