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Paul Gascoigne : bibine, mots doux et sombrero

Paul Gascoigne, milieu offensif bourrin mais technique, est de la race des joueurs anglais rares, comme on n’en fait presque plus aujourd’hui. Le kid de Newcastle a lui aussi déjà vécu une demi-finale de Coupe du monde, comme viennent de le faire ses compatriotes lors du Mondial russe, vingt-huit ans plus tard, contre la Croatie.

 

Paul Gascoigne, ou quand le génie
rencontre la folie

 

« Gazza » s’y était d’ailleurs fait remarquer d’une manière bien particulière. En 1990, à Turin, il s’était mis à pleurer en plein match, après une faute. Non, il ne s’était ni fait un mal de chien ni apitoyé sur le sort de sa victime : Gascoigne avait en réalité écopé d’un carton jaune qui le privait d’une éventuelle finale. Son Angleterre n’y avait finalement pas accédé, mais lui s’était révélé aux yeux de son pays –ainsi qu’à ceux du reste du monde– comme un très bon joueur, sensible de surcroît. Un « écorché vif », selon la formule rabâchée, chose que son existence mouvementée confirme.

 

Un an après les larmes piémontaises, Paul Gascoigne, starifié, va retourner en Italie pour porter le maillot laziale. Le jouer s’apprête à quitter son Angleterre natale après un début de carrière encourageant à Newcastle puis une belle période à Tottenham, au côté de Gary Lineker, où il a atteint le niveau international. Avant son départ, « La Pie » (gazza, en italien, soit l’origine de son surnom) doit jouer une finale de Cup. Sauf qu’il s’y rompt les ligaments du genou sur un tacle… qu’il donne. Cette blessure va changer le cours de sa carrière, il ne retrouvera jamais réellement son football d’antan.

paul gascoigne lazio rome

 

Son transfert en Italie est repoussé d’un an. Là-bas, il ne dispute que 47 matchs en trois exercices, toujours la faute aux blessures. L’Anglais finit par rentrer en Grande-Bretagne, aux Glasgow Rangers, où deux saisons et demie lui suffisent pour intégrer le Hall of Fame du club écossais. Sa carrière sportive se termine ensuite dans un certain anonymat –sportif– à Middlesbrough, Everton et Burnley, ainsi qu’en Chine. Oui, Gazza avait flairé le potentiel du pays avant que ce soit à la mode d’aller y traîner ses crampons.

 

Malheureusement, c’est plus pour ses frasques extra-sportives que Paul Gascoigne se rappelle à nos bons souvenirs. Et on ne parle pas de Fog on the Tyne (Revisited), le morceau de 1990 sur lequel il pose sa voix de stentor, et qui est devenu disque d’or. Non, on pense surtout à l’alcoolique patenté qui a multiplié les désintox, jusqu’à dépenser 400 000 dollars en thérapies diverses, et qui a été addict à tout et (surtout) n’importe quoi : alcool, donc, mais aussi cocaïne, sirop pour enfants ou console de jeux. Pendant six semaines, presque 24 h sur 24, le fou furieux a par exemple affronté tout le personnel d’un hôtel sur Wii, allant jusqu’à acheter la Nintendo au gérant, pour le forcer à s’entraîner. Un être généreux, manifestement, pour qui seule la bière était un « véritable problème » : il n’hésite pas à confier que quatre simples canettes le font flancher. Là, tu te dis que Paul Gascoigne est finalement un homme normal ? Sauf que quand il est sevré d’alcool, il fait un arrêt cardiaque, comme cela lui est arrivé en Arizona, durant l’une de ses nombreuses cures.

 

Son après-carrière est manifestement fait de plus de bas que de hauts. Une addiction au Red Bull, qui lui permet de rester éveillé, et une autre au laxatif, qui lui permet de rester mince, illustrent tristement la détresse et les paradoxes du personnage. D’autant que la presse de son pays ne l’a jamais épargné. Le Mirror l’a mis sur écoute pendant dix années, sa retraite compliquée faisant inlassablement les choux gras des journaux. Le joueur se sentait « assailli » partout où il allait, ça lui « atteignait les nerfs ». Et quand il part en tournée, en 2008, avec Iron Maiden, ça donne : « Paul, nous on est dingues, mais putain, tu l’es beaucoup plus que tout le groupe réuni. » Ça vous place son homme…

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Pourtant, l’ex-génie du ballon mériterait que l’on se souvienne de lui avant tout pour ses coups d’éclat sur le terrain. Dont l’un, notamment, qui est entré dans la légende. Lors de l’Euro 96, le meneur des Three Lions rencontre l’Écosse, où la moitié de l’équipe est composée de coéquipiers des Rangers. Vers la fin du match, l’Anglais, peroxydé et trapu, reçoit le cuir à l’entrée de la surface. Coup du sombrero sans contrôle sur Colin Hendry –« il ne s’en est jamais remis », selon Gazza– et reprise de volée qui foudroie le goal dans la foulée. Magic, isn’t it ?

 

Grand talent, chambreur devant l’éternel, Paul Gascoigne, 51 ans, a depuis longtemps cessé de jacasser sur le rectangle vert. Mais La Pie, l’une des idoles anglaises des générations 80-90, a bien recommencé à causer pour encourager ces jeunots qui flambent au Mondial. Ça n’aura pas suffi.

 

 

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