L’Ajax a réalisé l’exploit, mardi soir : défait 1-2 à l’aller, chez eux, les Néerlandais devaient gagner par au moins deux buts d’écarts pour espérer se qualifier au Santiago Bernabeau. Mais ils ont fait même mieux que ça en collant quatre pions au triple tenant du titre. Incroyable surprise : le Real Madrid est éliminé au stade des huitièmes de finale en étant en position favorable après le match aller.
La fin d’un cycle
Le départ de Zinédine Zidane, qui n’est resté que trois années à la tête des Merengue, ainsi que de la machine à scorer Cristiano Ronaldo, neuf saisons au club, avait déjà été vécu, cet été, comme un changement de cycle. Sauf que, dans la réelle fin d’un cycle, les changements ne sont pas que cosmétiques : dans l’équipe titulaire du Real Madrid, seul le gardien et le meilleur buteur ont bougé. Keylor Navas a laissé sa place à Thibaut Courtois, l’homme le moins mauvais perdant de la planète, et le spectaculaire mais inexpérimenté Vinicius Jr a mis quelques mois à prendre celle de Cristiano Ronaldo, sur le flanc gauche de l’attaque. Pour le reste, tout est pareil, entre Sergio Ramos, Raphaël Varane, Karim Benzema, Toni Kroos et le Ballon d’Or Luka Modric.
Mais comme l’a si bien dit Alain Delon dans le film de Luchino Visconti, adapté du fameux roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard – c’est la minute culture, Passe D veut vous éduquer un peu les gars, dites-nous merci ! – : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Or, au Real Madrid, on n’a pas tout changé, mais tout a changé, niveau résultat. La preuve mardi. Et samedi dernier. Et le mercredi d’avant. Bref, il y a des preuves partout, l’enquête ne sera pas très longue.
Eliminé de la Coupe du Roi et hors course pour le titre de champion d’Espagne dans la même semaine, de surcroît à cause de deux défaites face au Barça (0-3, 0-1), le Real Madrid n’avait que la Ligue des Champions pour sauver sa saison. L’obstacle Ajax ne devait, a priori, pas poser d’insurmontables difficultés aux Madrilènes, habitués à sortir les habits de gala en Europe, quand les matchs à élimination directe surviennent. De surcroît face à un adversaire supposé moins fort, et qui n’est pas candidat à la victoire finale. La Maison Blanche était même tellement confiante que son capitaine Sergio Ramos a volontairement pris un carton jaune au match aller, un peu avant la fin de la rencontre gagnée contre les Ajacides, pour être fin prêt pour les quarts, sans risque de suspension planant au-dessus de sa tête gominée. Lumineuse idée, n’est-ce pas ?
Certes, le Real Madrid est bien entré dans la partie, en tapant la barre d’entrée de jeu, mais il n’en a pas fallu beaucoup à l’Ajax pour marquer deux buts. Virtuellement qualifié dès la 20e minute, en menant 0-2, les Hollandais ont été porté par un Dusan Tadic zidanesque, auteur d’un but superbe du gauche, mais surtout d’une roulette sublime sur le cousin de Casemiro, avant de délivrer sa seconde passe décisive de la rencontre. Nettement supérieurs aux Madrilènes, les joueurs de l’Ajax ont délivré une prestation héroïque, justement récompensés d’un spectaculaire 1-4. Côté Real Madrid, rien n’allait : Vinicus Jr et Lucas Vazquez qui sortent sur blessure en première mi-temps ; Karim Benzema qui glisse juste devant les cages au moment de reprendre le ballon pour réduire la marque à 2-3 et, last but not least, un but de l’Ajax accordé grâce à une décision litigieuse de la VAR. Oui, mesdames et messieurs, une décision arbitrale a été contraire au Real Madrid en Ligue des Champions. Signe ultime de sa faiblesse du moment.
Les Merengue ne vont donc rien gagner cette saison. Santiago Solari, devant cet échec, va quitter son poste cet été, si ce n’est avant. Marcelo, plus titulaire car dépassé par le jeune espagnol Sergi Reguilon, devrait rejoindre son compère Cristiano Ronaldo à la Juventus. Gareth Bale, qui ne s’est jamais acclimaté au Real Madrid et qui est régulièrement remplaçant, ne devrait pas rester au club. Toni Kroos, méconnaissable, cette saison, pourrait s’en aller, tout comme le vieillissant Ballon d’Or Luka Modric, 33 ans, courtisé par l’Inter depuis l’été dernier déjà. La voilà, la véritable fin de cycle. Le président du club, Florentino Pérez, va devoir réagir cet été, sur le marché des transferts, alors que les supporters l’ont tancé hier soir, dans le stade, en demandant sa démission après cet échec retentissant, qui n’était plus arrivé au club depuis la saison 2009-2010 – c’est l’OL, à cette époque, qui avait sorti le Real Madrid dès les huitièmes.
Hasard ou pas, cette semaine, Neymar, en convalescence au Brésil, a dit dans une interview télévisée que « chaque joueur suivi par le Real Madrid serait attiré par l’idée de jouer là-bas »… Avant de conclure qu’il n’était pas en train de dire qu’il allait y jouer, « du calme », et qu’il était « très heureux à Paris. » Reste que c’est un net appel du pied et que le président madrilène risque de se pencher sur la situation du Brésilien, voire également sur celle de son compère du PSG Kylian Mbappé, pour reconstruire son équipe cet été – on n’oublie pas Eden Hazard, qui rêve du Real. Second « hasard ou pas », José Mourinho a également avoué il y a quelques jours qu’il n’aurait « aucun problème à retourner à Madrid ». L’une des deux propositions est une très bonne nouvelle pour la reconstruction du club.
On vous laisse deviner laquelle.