community manager

Le douzième homme est un twittos

On parle beaucoup de la vidéo dans le monde du ballon rond, de la technologie au service des sportifs… Mais le football 2.0, c’est aussi une affaire de réseaux sociaux. Au point d’offrir aux community managers des clubs pros une influence équivalente à celle de leurs joueurs ? Pas loin, pas loin…

 

Un ballon qui fleure bon le pognon d’un gros partenariat. Un gazon plus ou moins ras, tantôt billard du dimanche soir, tantôt champ de patates du samedi 20 heures. Des tribunes remplies pour Neymar et Mbappé, un peu plus clairsemées pour Benjamin Nivet… C’est tout ce qu’il faut pour comprendre notre bonne vieille Ligue 1. Tout ? Pas complètement. Car, désormais, le foot qu’on aime au stade ou devant la télé se vit aussi du côté des feeds, des walls et des timelines. Du plus petit club aux cadors de l’élite, on se soucie de ses réseaux sociaux : Twitter en tête, mais aussi Facebook, Instagram ou Snapchat. Au centre de ces préoccupations récentes –et quitte à vous vexer–, le véritable 12e homme du club : le ou la community manager.

 

Comment exister en dehors des terrains ?

En France, c’est du côté de Toulouse qu’on a eu cette vision prophétique –ou le pif, c’est selon : ce CM, comme on l’appelle, allait devenir l’interface principale de la relation clients/supporters des clubs pros. La genèse ? Un contexte délicat pour le Téfécé, vampirisé par l’omniprésence locale du Stade Toulousain et fragilisé par des résultats pas toujours au niveau. Pour exister, une solution : quitter le pré vert pour mieux bosser le fun et l’informel, faisant des réseaux sociaux l’outil idéal et principal.

remplissage l1

C’est ce qu’explique Rémi Denjean, le community manager du club, pour L’Autre Média : « Historiquement, le football reste un milieu très codifié en matière de communication. L’axe fort tourne souvent autour du seul résultat sportif. […] À Toulouse, nous avons décidé de mettre en place une tonalité différente, une stratégie qui nous démarque et qui vise à nous rapprocher de ce que nous pensons devoir être : une société de divertissement sportif. »

Résultat, on interpelle Rihanna ou Beyoncé, on met en scène l’arrivée de Cristiano Ronaldo dans la Ville rose après un article du Gorafi annonçant sa signature… « En s’adaptant aux contenus des réseaux sociaux […], nous avons développé notre langage propre, toujours dans cette volonté de faire du TFC un club original et sympathique », continue Rémi Denjean. Avec un écueil principal à éviter : « La limite à trouver dans l’autodérision, le juste équilibre avec la fierté d’aimer et défendre cette marque qu’est le Toulouse Football Club. »

TFC ronaldo

 

Guingamp et Nîmes, mariés pour la vie ?

Ni une ni deux, les petits gabarits ont marqué le TFC à la culotte sur le terrain du divertissement digital. Guingamp, par exemple, dont la bio Twitter a longtemps affiché, en 2017 : « Toujours la dernière équipe de Ligue 1 à avoir battu le Paris-Saint-Germain en décembre 2016. »

twitter guingamp

Et qui n’était pas loin de fusionner avec le Nîmes Olympique, si l’on en croit cette conversation entre leurs deux comptes officiels, réagissant à la fusion rugbystique avortée entre le Stade Français et le Racing. Un petit buzz et de la sympathie gratuite sur l’actu d’un autre sport… Malin, non ?

 

Les petits clubs se permettent ce que les gros n’osent pas

Car si l’autodérision et le chambrage sont la force des David de l’élite, ils ne passent pas toujours avec leurs homologues Goliath. Ainsi, le PSG, l’OM ou encore l’OL gardent, eux, comme objectif :

1/ de conserver une image suffisamment policée et valorisante pour parler au plus grand nombre, supporters comme spectateurs, à l’échelle nationale comme internationale.

2/ de ménager leur « fan base », sensible à l’identité du club. Quitte à accepter de se faire picoter la bobine par la fronde toujours précise et inspirée des Guingampais et autres Amiénois…

Le chambrage, les CM parisiens, marseillais ou lyonnais s’y essaient plus volontiers entre eux. Comme lorsque le PSG fait référence aux buts en clair encaissés par Marseille le dimanche soir sur Canal+, en marge d’un OL-OM où les Lyonnais ouvrent le score dès la 6e minute.

Ou lorsque les Marseillais rebondissent sur le « penaltygate » entre Neymar et Cavani, en septembre 2017, pour témoigner de la bonne entente, chez eux, entre Florian Thauvin et Morgan Sanson.

 

Le bad buzz… terreur du CM

Une façon de travailler l’image du club en flattant l’ego de ses supporters qui peut vite déraper… En témoigne le raté de l’Olympique Lyonnais, en 2016, qui a tourné au bad buzz : avant la réception du PSG, les Gones avaient pris le parti de chambrer le club de la capitale sur son ambiance supposée tranquille comparée aux décibels du Groupama Stadium.

Oui, mais voilà… Sur les réseaux se cristallisent les passions et les tensions, servies par l’instantanéité des relations. Le contexte sportif lyonnais de l’époque, très compliqué, ne pouvait pas être négligé.

Les réactions sur Twitter ? Âpres, comme d’habitude, de la part des supporters adverses. Mais tout aussi virulentes de la part des fans olympiens. Florilège : « Imagine, t’es 8e du championnat, zéro fond de jeu, projet sportif en ruine, des incompétents à la plupart des postes importants et tu chambres le champion de France » ; « Va pas falloir se louper après un chambrage pareil, le PSG va vouloir fermer nos bouches… Un peu trop provoc, non ? »

 

« La personne la plus importante de l’organigramme »

Informer, valoriser, séduire et faire parler, mais en gardant à l’œil le contexte sportif : clairement, la mission du community manager d’un club de l’élite en fait un personnage absolument central. Dans une interview pour Ecofoot.fr, Boris Helleu, maître de conférences à l’université de Caen-Normandie, le résume bien : « Le community manager est désormais devenu la personne la plus importante au sein de l’organigramme administratif d’un club de football. C’est lui qui est en contact direct et permanent avec les fans. »

Pas pour rien que certains envisagent même le remplacement progressif des sites officiels, peu à peu réduits à de simples vitrines, par les réseaux sociaux. Avec, en ligne de mire, de nouveaux enjeux : la concrétisation terrain d’une stratégie digitale et la monétisation de la communauté créée. En d’autres termes moins barbares : faire de l’oseille avec nos likes Facebook et leurs followers Twitter. Autant dire que l’importance de Rémi et de ses homologues ne risque pas de flancher dans les années à venir.

followers twitter

 

 

© Twitter ToulouseFC, EAGuingamp, nimesolympique, AmiensSC, PSG_inside, OM_English, OL, Aymeric_22

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