Subbuteo, entre passion artistique et football
Quand j’ai dit que je voulais faire un article sur le Subbuteo, la première réaction que j’ai obtenue a été : « Plaît-il ? C’est quoi ça encore ? » Mais si ! Tu sais, le jeu de football, sur une table, avec des terrains miniaturisés et des petites figurines de joueurs.
La vérité étant que c’était à peu près tout ce que je savais sur le sujet, vraiment. L’idée m’était venue en salivant sur le site de Zone Mixte, qui proposait des maillots vintage et, dans un coin, des sets de Subbuteo. Une recherche Wikipédia plus tard, j’apprenais que, parti d’un jeu, le Subbuteo était devenu une véritable discipline, avec des règles, des fédérations, des championnats et même une Coupe du monde.
Intriguée, j’ai donc décidé d’aller interroger des passionnés. Et j’en ai trouvé… Beaucoup !
J’ai fait la connaissance de Stewart 34 ans à Essex en Angleterre, il a fait du Subbuteo un loisir artistique. Sa spécialité ? Recréer entièrement des stades à échelle réduite.
« Quand j’étais petit, je me suis fait offrir un set de Subbuteo pour Noël. Ce que j’aimais le plus, c’était les accessoires : les différents maillots des joueurs, les terrains, etc. J’en voulais toujours plus. Mon rêve était d’avoir un stade complet, avec tous les détails. Vers 13 ans, j’ai commencé à m’en désintéresser. Vous savez, on grandit, on devient un peu bête et on met de côté certaines passions parce que c’est moins cool.
Un jour, en 2009, je discutais avec mon colocataire et on se racontait notre enfance. Je me suis souvenu de ma passion pour le Subbuteo. Là, je lui ai dit : “Un jour, si j’ai de la place, je commencerai à construire un stade.” C’est ce qui est arrivé quand, en 2013, j’ai emménagé avec ma femme dans un immense loft. J’ai recommencé à collectionner, à acquérir des centaines de pièces. C’est là que tu réalises qu’il y a tellement de maillots d’équipes iconiques, de différentes nations, de diverses époques et que tu peux tous les avoir avec le Subbuteo. »
Les stades de Stewart sont de véritables œuvres d’art, où aucun détail n’est laissé au hasard. Il commence d’ailleurs à travailler sur un autre projet d’enceinte des années soixante.
Calum, 28 ans, est d’Hampshire, en Angleterre également. Dès l’âge de 8 ans, il a commencé à créer ses figurines Subbuteo. Aujourd’hui, il a monté sa propre entreprise où il fabrique et vend sur demande des sets de joueurs.
« Je suis passionné de Subbuteo depuis le très jeune âge. Mon père en avait à la maison. J’ai commencé à collectionner puis à repeindre, modifier les figurines pour les faire ressembler à de vrais joueurs. Aujourd’hui j’ai ma propre boutique. Je fonctionne principalement par commande. Les clients me demandent des sets de leurs équipes préférées ou leurs joueurs favoris. C’est un travail qui demande beaucoup de précision compte tenu de la taille des pièces. »
À ce stade, il fallait que j’en sache plus sur le jeu en lui-même. C’est ainsi que j’ai découvert le Football de Table Club d’Issy-les-Moulineaux, FTC. Un tour sur leur site et, comme par un heureux hasard, il y a une importante compétition organisée dans quelques jours.
Mesdames et messieurs, j’ai assisté au Grand Prix de France de football de table, et c’était génial !
J’arrive à l’adresse indiquée et demande à l’accueil à quel étage se trouve le club. La personne me regarde d’un air perplexe. « Je ne connais pas ça, Subbuteo, mais sinon il y a des cours de judo ici. C’est un art martial, non ? » Après cinq bonnes minutes à essayer de faire comprendre ce que je recherche… « Ahhh mais vous voulez dire le club de football sur table ! » C’est bien ce que j’ai dit non ?
Quelques minutes plus tard, Stéphanie, membre du club, joueuse de l’équipe de France féminine et chargée de me faire faire le tour du propriétaire, me corrige également :
« On préfère l’appellation football de table, Subbuteo c’est le nom du jeu. Il y a du Subbuteo cricket, rugby, base-ball… Ici, on fait du football de table. C’est vraiment un sport pour nous. D’ailleurs on a une tenue réglementaire : baskets obligatoires. »
En arrivant dans ce grand gymnase où des dizaines de tables sont installées, avec des drapeaux de tous les pays pendus aux murs, je comprends qu’on ne rigole pas ici.
Stéphanie m’explique le déroulement de la compétition :
« Aujourd’hui c’est les individuels, demain il y aura les groupes. Les joueurs s’affrontent en une série de matchs de 2 x 15 minutes. Il y a un arbitre à chaque table et, souvent, le coach, qui est là pour guider et donner des directives. Chacun dispute quatre rencontres. Les tables sont disposées dans cette configuration afin de permettre aux joueurs de passer de l’une à l’autre. Les matchs s’enchaînent toute la journée. Après, c’est comme au foot, il y a les poules, les barrages pour accéder aux 8es puis les quarts, les demi-finales et la finale. Les règles sont similaires à celles du football. La grande différence c’est qu’au FDT un joueur n’a pas le droit de tirer au but tant que la balle n’a pas franchi la ligne de la surface de réparation adverse. »
Stéphanie doit me laisser, elle a une rencontre de catégorie U12 à arbitrer. Car oui, les participants peuvent devenir arbitres quand ils ne jouent pas. J’en profite pour regarder la performance de Charlotte, 12 ans, venue de Belgique avec ses parents et son frère Corentin (lui aussi dispute un match, sur la table à côté). Le papa suit attentivement la rencontre de son fils. En connaisseur : il est président d’un club de Subbuteo.
C’est l’heure de la pause déjeuner et Emmanuel Gorgette, président du club d’Issy et organisateur du Grand Prix, me recommande d’aller discuter avec un jeune homme en tenue bleue. « Lui, c’est le champion du monde en titre. »
Je rencontre donc Rémy Huynh, 28 ans, originaire de Belgique. Alors, comment devient-on un champion du monde de football de table ?
« Beaucoup d’entraînement. Pendant un mois, je m’entraînais 5 à 6 fois par semaine. Il faut rester concentré parce que c’est très tactique comme jeu. Mon style est plutôt défensif, mais je m’adapte au joueur en face de moi. Je suis tombé dedans quand j’étais ado, un de mes potes y jouait et je m’y suis mis. Je dispute pas mal de compétitions chaque année et je compte continuer. »
Vers 16 h, la fatigue commence à se ressentir. Mine de rien, piétiner pendant des heures autour d’une table peut être très fatigant. Je comprends mieux maintenant pourquoi Stéphanie me parlait d’un « sport ». D’ailleurs, on entend un cri de rage, puis on voit une boîte valser à travers le gymnase. Certains joueurs sont tendus.
Je discute avec Thomas Ponté, président de la Fédération française de football de table, la FFFT.
« On est une petite fédération. Notre rôle c’est d’organiser des évènements comme celui-ci. On gère également des déplacements pour les compétitions internationales. On a de petits moyens mais nous sommes soutenus par les mairies, notamment celle d’Issy-les-Moulineaux.
Le plus difficile c’est de donner de la visibilité à notre discipline. On a des joueurs de tous les âges mais c’est difficile d’attirer les plus jeunes. En général ce sont les parents qui inscrivent leurs enfants parce qu’eux-mêmes sont des passionnés. La plupart des adultes, ici, pratiquent par nostalgie, parce que c’était de leur époque. Mais il y a du renouveau, ça recommence à devenir une tendance. L’idéal pour nous serait qu’une fédération plus grande nous absorbe, par exemple celle de baby-foot, qui a plus de visibilité. »
À la fin de la journée, je repars avec un set de Subbuteo. Qui sait ? Peut-être qu’un jour moi aussi je pourrais m’y mettre.
Un grand merci au FTC Issy-les-Moulineaux pour son accueil et sa disponibilité.
Pour admirer le travail de Stewart, son superbe Flickr. Et pour les pièces uniques de Calum, son site avec e-shop, qui livre partout en Europe.
Si vous voulez vous lancer à votre tour, voici un kit « de base » Champions League, sur Amazon.