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“The Secret Footballer”, entre voyeurisme et anonymat

Il a fait le buzz. Tout le monde s’est posé la question, a cherché à savoir qui était ce fameux Secret Footballer. Quant le premier tome est sorti, en août 2012 (janvier 2013 pour l’édition en français), chacun y est allé de son pronostic. L’enquête internationale était lancée pour tenter de démasquer ce mystérieux joueur (a priori) anglais, qui balançait sur les autres footeux et leurs petites habitudes. La version poche française vient d’être publiée (collection Hugo Sport, dispo ici), actualisée et avec un chapitre inédit. L’occasion de reparler de cette « star anonyme », qui décrit le monde impitoyable de la Premier League.

 

Sous couvert d’anonymat, celui qui était déjà l’auteur de chroniques dans le Guardian s’est un jour mis à envoyer sur le championnat british. Un championnat qu’il a semble-t-il côtoyé plusieurs saisons. Si, aujourd’hui, beaucoup d’indices poussent vers Dave Kitson, attaquant britannique de seconde zone, le mystère demeure car rien n’a encore été officialisé. En France, le principe a été repris avec le Footballeur masqué. Sans succès ni suspense puisque, très vite, les noms d’Édouard Cissé et Daniel Riolo sont ressortis comme étant ceux de la taupe et de la plume. Une autre idée de la discrétion…

 

The Secret Footballer, un déballage voyeuriste

Si le(s) bouquin(s) dézingue(nt) le ballon rond de Sa Majesté, sa face cachée et ses dérives, le principal problème du concept réside avant tout dans l’anonymat, justement, et la distanciation. L’auteur la joue incognito, soit, mais les personnes qu’il « incrimine » le sont également. Seuls quelques noms apparaissent, dont celui de John Terry, qu’il semble détester profondément. Beaucoup de scandales (sexuels, financiers, racistes…) sont évoqués, sans que les personnes mises en cause ne soient directement citées. Ce qui pourrait être une véritable dénonciation (autre souci d’éthique à débattre) ne s’apparente de fait qu’à du simple voyeurisme. En ne s’incluant généralement pas dans les aventures qu’il dépeint, ou en prenant énormément de recul, The Secret Footballer alimente à peu près tous les clichés attachés à la vie d’un footballeur professionnel. Avec, en leitmotiv, des phrases à pincettes genre « on m’a raconté que ».

 

Une opération marketing bien huilée

Son identité est l’un des secrets les mieux gardés de Grande-Bretagne. Il l’avoue lui-même, seule une trentaine de personnes sont au courant de son activité de balance la mieux payée du Royaume. À chaque tome –six sont déjà parus (en anglais), le 7e débarque le 31 mai–, on nous promet que, bientôt, l’auteur osera sortir de sa cachette, en héros, endossant sans honte le costume du justicier. Tout est évidemment fait pour garder le lecteur en haleine, toujours en entretenant un flou quasi total. C’est d’ailleurs la principale attractivité de ses livres, la possibilité d’imaginer n’importe qui se livrant à n’importe quoi. Dénoncer sans nommer, voilà la meilleure façon de se prémunir contre toute poursuite juridique potentielle, au moment où le masque tombera. S’il tombe un jour…

 

Au final, le succès du Secret Footballer réside avant tout dans le désir (humain) d’être au courant de tout, de satisfaire ce côté voyeur attisé par un milieu où l’omerta règne magistralement. Tradition british oblige, les paris sur l’identité du rapporteur, mis en place par les bookmakers, ont également bien contribué à cette réussite. L’idée avait d’ailleurs fait des petits avec The Secret Wag, qui partageait son quotidien et ses secrets « hot » de compagne de joueurs…

En fin de compte, on sait tout, mais on ne sait rien, comme l’auteur l’a lui-même si bien dit lors d’une interview à 20 Minutes : « C’est ce que je préfère dans cette histoire : les gens croient savoir, mais ils ne savent pas ! » Encore de quoi (tenter de) brouiller les pistes.

 

 

© Hugo et Compagnie/Amazon – Twitter moms451, ChristoDP, DrtyMassa