Le marché anglais est-il devenu fou ?

Le marché des transferts devient chaque année de plus en plus étonnant. Le mercato d’été 2019 ne déroge pas à la règle, entre transferts farfelues, indemnités hallucinantes et rumeurs foireuses. Naturellement, Passe D se pose beaucoup de questions durant cette période et a décidé de vous faire partager tout ça. Le sujet qui nous intéresse, en ce mardi 6 août, est le suivant : le marché anglais est-il devenu fou ?



Lumière sur l’arrivée délirante d’Harry Maguire pour 93M à Man Utd



L’inflation du prix des joueurs touche les plus grandes ligues du monde, et il faut dorénavant avoir un portefeuille bien garni pour acheter même le plus obscur des joueurs – 15M pour 50% des droits de Kostas Mitroglou, par exemple.

Cette inflation, cependant, se radicalise dans la plus riche ligue du monde, la Premier League anglaise, où les prix cassent régulièrement le plafond. Dernier exemple ? Harry Maguire, évidemment. L’Anglais de 26 ans a été transféré cette semaine à Manchester United pour la somme ahurissante de 93 millions d’euros bonus compris, faisant de lui le défenseur le plus cher de l’histoire de ce sport, devant Virgil Van Dijk (84M à Liverpool, en 2018) et Lucas Hernandez (80M au Bayern Munich, en 2019). Certes, dorénavant, on en vient à se dire que le prix du Néerlandais est bien bas par rapport à sa valeur : il est probablement le meilleur défenseur du monde actuellement, puisque jusqu’à ce week-end, il ne s’était pas fait dribbler depuis un an et demi ! Or, Passe D doute de pouvoir se faire la même réflexion, à l’avenir, pour le colosse britannique, tant Harry Maguire semble avoir été surpayé. Certes, la rareté fait la valeur, mais il n’est pas le seul bon défenseur central qui existe en Premier League, ni sur la planète football, si ? Qu’est-ce qui a donc pris à Manchester United pour accepter de lâcher un tel montant ? Le plaisir de dépenser, parce que MU est un club richissime ?

C’est un simple constat, mais en 2009, il y a tout juste 10 ans, il fallait 93 millions d’euros pour acheter le Ballon d’Or en titre, Cristiano Ronaldo, qui partait de Man Utd pour rejoindre le Real Madrid. Dix ans plus tard, un défenseur jamais nommé pour le Ballon d’Or, qui n’a jamais joué la Ligue des Champions, qui n’est pas dans le top 10 ou 20 à son poste, qui évoluait l’an dernier dans la défense du 9e de Premier League et qui a 20 sélections au compteur vaut la même somme, dans le marché actuel. C’est-à-dire un marché déréglé, complètement fou, en partie à cause de la Premier League, d’ailleurs.

En effet, la ligue de football la plus valorisée du monde en termes de droits tv offre, à ce titre, plus d’argent au dernier du championnat que n’en touche, par exemple, le vainqueur de la L1 française. Cet été, alors que le PSG a engrangé 59,8 millions d’euros en droits tv, le dernier de Premier League, Huddersfield, a lui touché… presque le double – 108 millions d’euros. Dès lors, la dérégulation touche tous les types de joueurs, et les prix ne renseignent sur rien, pas même sur la valeur du footeux concerné : Aston Villa, promu en première division anglaise, est le deuxième club le plus dépensier de la Premier League, avec 135 millions d’euros de transfert, dont 22M sur… Tyrone Mings – vous connaissez ? – ou 24,50M sur Wesley, qui a quitté pour cette somme le Club Bruges.

Cet été, Sébastien Haller, le buteur français de 25 ans de l’Eintracht Francfort, a été transféré à West Ham contre la somme de 50 millions d’euros. Ayozé Pérez a lui rejoint Leicester City, en provenance de Newcastle United, pour environ 35M. L’ancien club de Claude Puel et Claudio Ranieri a également recruté le flop monégasque Youri Tielemans pour 45 millions d’euros. Quant à Brighton, le 17e de Premier League l’an dernier, il a dépensé trois fois 20 millions d’euros pour s’acheter Adam Webster, Leandro Trossard et Neal Maupay…

Pendant ce temps-là, l’OM se saigne en achetant Dario Benedetto (sur lequel nous avons écrit un article sympa d’ailleurs) 14 millions d’euros après que Guingamp lui ai demandé 20 millions pour Marcus Thuram, et le président du FC Nantes, Waldemar Kita, influencé par les prix de la Premier League, exige plus de 25 millions d’euros pour Valentin Rongier, dixit le consultant de la chaîne L’Equipe Gilles Favard. Pourtant, un profil de ce type – jeune, bon, mais évoluant dans un club moyen de L1 – aurait valu entre 8 et 12 millions d’euros il y a à peine quelques saisons…

Le marché anglais, en rendant banal les cessions à 20 millions d’euros minimum pour des joueurs qui en valent, dans un marché dit « normal », entre 4 et 15, est partie prenante du dérèglement généralisé des transferts. Le cas Harry Maguire exemplifie ce dérèglement : si le défenseur anglais n’est pas un peintre, loin s’en faut, on peine à croire qu’il soit le défenseur le plus cher de la planète quand il n’est même pas dans le top 3 de la ligue où il évolue.

Espérons qu’à l’avenir, progressivement, le marché se régule à nouveau, pour que le prix des joueurs soit en accord avec leur valeur et pour qu’un transfert exceptionnel par son prix ne soit plus contesté par personne – pas même par nous, à Passe D. Comme ce fut le cas, en leur temps, des transferts de Zinédine Zidane au Real Madrid pour 75 millions d’euros, ou de Cristiano Ronaldo dans le même club, pour 93 millions. Des records qui concernaient véritablement les meilleurs.

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